Pensez-vous souvent à votre propre mort ? Êtes-vous croyant ou agnostique, imaginant qu’il y a un « après », que tout ne s’arrête pas avec les battements de notre cœur ?

À l’inverse, êtes-vous plutôt athée, refusant catégoriquement de croire qu’une partie de notre être, souvent appelé « âme » ou « esprit », continue son voyage après l’arrêt de nos fonctions vitales ? Qu’on imagine un « au-delà » ou non, en général on ne préfère pas se figurer ce qui se passera ou ce qu’on verra après notre mort. On en parle en plaisantant, autour d’un verre avec nos amis, lorsque tous les sujets sérieux ont été abordés, et qu’on s’autorise un peu à divaguer, à rêvasser, à discuter de choses absurdes. C’est souvent le même ami, très terre à terre, qui conclut ce genre de conversations, par un fatal « de toute façon, on ne saura pas avant d’y être allés nous-mêmes ! », laissant derrière lui un long silence, presque religieux, qui ne sera brisé que par la proposition de reprendre un verre, une touche d’humour noir, ou un commentaire sur les saisons qui, décidément, se détraquent de plus en plus.

Mais certains y sont déjà allés, et en sont revenus, décrivant des sensations et des visions toutes plus fascinantes les unes que les autres. Certains croient à leurs récits de « voyage de l’esprit » et de « long tunnel lumineux », d’autres expliquent que lorsque le cerveau ne reçoit plus d’oxygène, il perd toute notion de raisonnable, de réalité, et se laisse envahir par des hallucinations, motivées par nos croyances communes, nos récits de fictions, nos plus anciens mythes.

Pourtant, à la fin du XXIème siècle, en France, une équipe de scientifiques va tenter de reproduire le « dernier voyage », et d’en revenir, pour témoigner de ce qui nous attend après la mort. Réunis dans le « Projet Paradis », lancé par un chef d’Etat après sa propre « Near Death Experience », Michael, Raoul, Amandine, Rose, et Stefania, pionniers de la Thanatonautique, essaieront d’explorer le « continent ultime », de découvrir les épreuves que nous devrons subir pour atteindre la paix éternelle, et pourquoi pas comprendre le sens de notre existence sur Terre..

Les recherches de l’auteur autour de la mort, des mythes, des religions sont vraiment extraordinaires, complètes, et fascinantes. L’intrigue est fantastique du début à la fin, mettant en œuvre tant les recherches des scientifiques, que la vision de la société concernant leurs travaux, qui est très intéressante, et fort réaliste. On sent également la grande connaissance de l’auteur concernant le journalisme, puisque le texte est ponctué de coupures de presses, de petits articles, de rapports, de « scandales », suite aux recherches des thanatonautes, et tout est décrit avec brio. Sa description de l’au-delà est à la fois fascinante et brillante, car elle parait être en accord avec de nombreuses religions, tout en apportant des éléments très novateurs et pertinents (par exemple les différents « territoires » du continent ultime, la question du Bien et du Mal, ou encore la gestion de notre « karma »). Werber a même avoué avoir écrit quelques passages de l’œuvre en écriture automatique, ce qui ajoute un côté intriguant et presque « mystique » à ce texte. Néanmoins, s’il parvient à décortiquer l’Au-Delà de manière très réaliste, au point de nous mettre mal à l’aise par moments (ce n’est pas tous les jours qu’on démystifie la Mort, tout de même), l’écrivain conclut sur une note plutôt mystérieuse, et l’aboutissement de ce « dernier voyage » est, visiblement, un secret bien gardé... !

Néanmoins, on a un peu de mal à s’accrocher aux personnages ; tant le héros qui n’a pas une personnalité très empathique, que ses acolytes, dont l’histoire n’est pas toujours très claire. De plus, certaines personnalités ne sont pas très développées, ou pas complètement mises en avant, du coup les choix des protagonistes peuvent parfois nous paraître trop inattendus, étranges, ou même injustifiés. C’est assez dommage car dans ces autres œuvres (comme Les Fourmis, par exemple), Werber sait développer ses personnages avec brio, représenter pleinement leurs personnalités, et leurs décisions nous semblent plus claires, plus « logiques » si on peut dire.

Si on a un peu de mal à apprécier les personnages, ou même à s’attacher à leur histoire, on est très vite entraînés par le mouvement thanatonautique, et l’envie de découvrir « l’au-delà ». Et, si la représentation de l’Après semble être un bon équilibre avec de nombreuses croyances, l’auteur donne une vision vraiment inédite du « Continent Ultime », du sens de l’existence, et même de l’éternel conflit entre le Bien et le Mal..

Camille